Ai Weiwei à l'Académie royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique

En tant que Président de l'Académie et Directeur de la Classe des Arts, Daniel Dethier a accueilli le public venu nombreux à cette belle matinée.

"Je suis heureux de vous accueillir ce 5 octobre 2019 à l’occasion de la séance de réception des nouveaux Académiciens.

Dire que le monde change est un truisme autant qu’un euphémisme.

L’évolution à laquelle nous assistons semble pourtant plus rapide et radicale que jamais. Mondialisation et accroissement de la concurrence, radicalisation sans vergogne du tout au marché, démographie exponentielle, migration, omnipotence programmée de l'intelligence artificielle ... suscitent l’inquiétude.

Ces peurs se focalisent sur les questions matérielles : baisses des revenus qu’il s’agisse de salaires ou de profits financiers, réductions du niveau de vie, pertes d’acquis sociaux … Pour une minorité, la préoccupation majeure réside dans la manière conserver sa richesse ou de s’enrichir davantage ; pour le plus grand nombre, ce sont les moyens élémentaires de subsistance qui sont mis en jeu.

L’argent aurait-il pris le pas sur les valeurs humanistes ? Il excuse le mensonge et la tromperie. Il semble être devenu le moteur de l’activité humaine, du travail qui aurait perdu ses vertus essentielles, du moins au titre de premier objectif. Souvent exercer une profession, même libérale, n’est plus une source d’épanouissement, d’accomplissement ou de créativité, mais simplement le moyen de s’assurer des revenus.

La plupart des rapports sociaux sont pollués par l’argent lequel pousse à toutes les formes de repli, en ce compris dans ses plus viles acceptions identitaires.

Dans ce contexte, l’Académie Royale apparait comme un monde préservé. Il est possible d’y revenir à des valeurs humanistes fondamentales et de les y élever. S’y réunissent des personnalités avec des compétences pointues et variées. Les recherches, les réflexions, les échanges dont l’Académie est le catalyseur dégagent des perspectives sociétales larges, prometteuses, visionnaires voire utopistes. On y prend la hauteur nécessaire pour penser les transitions et les avenirs possibles.

L’accomplissement de ces missions exige des membres de l’Académie une réelle implication ; être Académicien n’est pas un titre honorifique ; c’est un engagement.

Les artistes sont sans aucun doute parmi les plus à même d’instiller des visions fécondes, ne fût-ce qu’en raison des lectures multiples que leurs travaux donnent de notre monde. Dans cet ordre d’idées, Aï Weiwei déclare que dans « l’inconscience générale, l’artiste doit être conscient » . On sait les implications sociétales de son œuvre que les limites de ces quelques lignes ne permettent pas de détailler. Parce que cette « conscience » correspond aux idées défendues par la Classe des Arts, sur proposition de la Classe des Arts, l’Académie décerne aujourd’hui à Aï Weiwei le Prix Annuel de l’Académie Royale.

La mobilisation des artistes mais surtout celle beaucoup plus générale de notre jeunesse contre le changement climatique, pour la préservation de la planète, est un effet positif de la crise actuelle, qui doit nous réjouir et nous donner espoir.

C’est dans cette perspective que j’ai l’honneur d’ouvrir l’année académique 2019/2020."